Sobriété éditoriale : quelques conseils dédiés Print

12 novembre 2024
Temps de lecture : 9 minutes

La sobriété éditoriale est de prime abord pensée pour le web en complémentarité de la sobriété numérique. Néanmoins, bon nombre de ces bonnes pratiques s’appliquent aux documents imprimés/Print.

Rappelons d’abord les objectifs de la sobriété éditoriale :

  1. alléger la charge mentale du lecteur
  2. rationaliser la charge de travail du communicant.
  3. réduire l’empreinte environnementale de la communication.

Dans cet article, concentrons-nous sur les 2 premiers points. Concernant la réduction de l’empreinte environnementale du Print, je vous renvoie au guide de la communication responsable. Il détaille les actions à mener pour écoconcevoir sa communication papier : format, choix graphique, papier, encrage, impression, diffusion, tirage, emballage, etc.

La méthodologie de sobriété éditoriale s’applique aussi bien au web qu’au print.

Étape 1. Quand faut-il communiquer ?

Puisque toute action a une empreinte environnementale, interrogeons l’intérêt même de communiquer : est-ce indispensable ? Cette communication est-elle d’intérêt général ? Répond-elle aux enjeux de développement durable (ODD) ?

Étape 2. Avant de créer le contenu, interroger son utilité.

  • Est-ce que ce contenu est utile aux publics ?
  • Est-ce que ce contenu est utile pour répondre à mes propres objectifs ?
  • Est-ce que ce contenu est spécifique/inédit ?

Étape 3. Avant de créer le contenu, déterminer son format.

Entre papier et web, quel format privilégier ?

À ce sujet, voici ce que dit l’ADEME[1]

« Plus un document a une durée de vie longue et est manipulé par de nombreuses personnes, plus il est judicieux de l’imprimer.

En revanche, si le document a une durée de vie courte et ne nécessite pas d’être conservé, il est préférable d’utiliser un format numérique.

L’empreinte environnementale du support papier se concentre principalement sur sa phase de production, alors que pour le support digital, ce sont les étapes de diffusion, d’usage et de stockage qui sont prépondérantes. »

Le support papier présente – encore ! – quelques avantages :

  • il peut toucher un public moins familier du digital, comme les personnes âgées ou les enfants (limitation des écrans et incitation à la lecture)
  • il est intéressant comme support de communication au sens premier : il permet un échange entre l’émetteur et le récepteur, en donnant le support en mains propres, par exemple.
  • Il peut marquer une attention et une différenciation : recevoir une carte de vœux papier reste plus agréable qu’un mail ou un SMS.

Étape 4. En rédigeant le contenu, veiller à sa qualité.

  • Le niveau d’information est-il adapté aux besoins des publics ?
  • Le contenu est-il écrit en langage clair ?
  • Le contenu est-il utilisable ?
  • Le contenu est-il accessible ?
  • Le langage est-il égalitaire ?

Étape 5. Piloter le cycle de vie du contenu.

  • Le contenu est-il adopté par les utilisateurs, est-il lu ? Il convient de se référer aux enquêtes de lectorat. Ou de tenter de comptabiliser le nombre d’exemplaires utilisés – par exemple sur un présentoir – pour vérifier la pertinence.
  • Le contenu est-il mis à jour ?

Ceci concerne davantage les supports flyers, plaquettes, livres d’information.

  • Son cycle de vie est-il planifié ?

Dès la création du contenu, anticipons sa fin de vie et son archivage, en limitant les tirages, par exemple, grâce au recours à l’impression numérique.

Étape 6. Améliorer en continu.

  • Les contenus sont-ils utiles, utilisables et utilisés ?
  • Le format est-il toujours adapté ?
  • Le contenu est-il à jour ?[2]

 

Quelques bonnes pratiques pour alléger la charge mentale du lecteur

Faciliter l’appropriation des sujets

La maquette donne une grille de lecture qui hiérarchise l’information.

Elle véhicule un code implicitement compris par le lecteur :

  • en tête de page, le sujet principal qui est le plus important
  • et les informations secondaires, dans les colonnes plus réduites.

Une maquette n’est pas figée, elle peut s’adapter en fonction de l’actualité tout en matérialisant des points de rdv.

Son objectif : concilier créativité, clarté et efficacité.

Faciliter l’appropriation rapide du message essentiel

Le message essentiel est perceptible à la lecture du titre, du chapô, des sous-titres, des légendes, des visuels.

Travailler cette titraille – sous-titre, intertitres, légende – de manière complémentaire offre un premier niveau de lecture synthétique.

Une bonne répartition de ces éléments apporte une idée précise et factuelle du message essentiel et répond à la loi de Quintilien (5W) : qui, quoi, pourquoi,  où, quand, comment, combien.

Ajouter des sous-titres dans le corps du texte offre des repères pour faciliter et rythmer la lecture.

Faciliter la lisibilité du texte

Attention au multicolonnage qui peut complexifier la lecture et aux textes justifiés dans les colonnes étroites qui altèrent le gris typographique : c’est l’impression générale qu’un texte produit au premier coup d’œil. C’est la densité de caractères noirs sur un fond blanc. Elle contribue à l’impression générale qu’un texte produit.

Le gris typographique rend la lecture agréable et confortable et limite la fatigue oculaire

Pour un bon gris typographique,
il convient d’éviter

  • les lézardes, c’est-à-dire les espaces blancs irréguliers entre les mots,
  • les veuves, c’est-à-dire les dernières lignes d’un paragraphe isolées en haut d’une ligne ou d’une colonne,
  • Les orphelines, c’est-à-dire les premières lignes isolées en bas d’une page ou d’une colonne.

il s’agit de soigner

  • l’interlignage, c’est-à-dire l’espace entre les lignes,
  • l’interlettrage, c’est-à-dire l’espace entre les lettres,
  • et la justification, c’est-à-dire l’alignement du texte.

 

Quelques bonnes pratiques pour rationaliser la charge de travail du communicant

Faciliter la déclinaison des contenus sur le web

Le web a tendance à privilégier les titres informatifs et factuels. Le print pourrait avoir tendance à éditorialiser pour mettre en perspective, soutenir une conviction, une attente politique. L’écueil dans ce cas-là est d’affecter la compréhension.

Sans opposer les 2 pratiques, il s’agit de les concilier en privilégiant un titre informatif, compréhensible hors contexte (chapô, sous-titres, etc.), facilement réutilisable sur le web.

Un conseil : établir un sommaire commun Print/Web/Réseaux permettant d’identifier le traitement proposé pour chaque sujet.

 

S’inspirer des codes web pour favoriser la réception de l’information

Écrire en langage clair

Aujourd’hui, le temps d’attention est réduit, la charge mentale liée à l’information importante. Adapter son écriture aux besoins actuels, c’est écrire son texte en langage clair. Il ne faut pas y voir un sacrifice de son écriture, mais davantage la prise en compte du lecteur.

Cette nécessité de clarification de l’information est également liée au fait que l’utilisateur est de plus en plus conduit à réaliser en autonomie diverses procédures. La clarté est donc de mise.

Écrire avec empathie

Sur le web, un lien de proximité est souvent noué avec le lecteur. Il s’agit de le reproduire sur le print. Ce changement d’écriture souligne un changement de posture.

« Carte d’identité obligatoire » versus « Pensez à prendre votre CNI » est plus chaleureux et incitatif.

Varier les registres d’écriture pour diversifier les niveaux de lecture

Il est souvent reproché à l’écriture web d’être plus – trop ? –  concise, plus hachée, en liste à puces. N’en déplaise aux amoureux des Belles Lettres, il est possible de rédiger un texte avec de belles phrases, en respectant néanmoins quelques règles pour faciliter son appropriation par le lecteur.

Écrire clair, c’est savoir piocher dans différents types d’écriture en fonction de l’objectif, du contexte de lecture et du registre d’information.

Il s’agit de trouver un équilibre entre

  • des éléments de contexte pour expliquer, apporter une valeur ajoutée et donner de la perspective au propos,
  • des citations pour illustrer,
  • des informations faciles à utiliser, etc.

Diversifier les clés d’entrée dans un texte favorise également sa lecture, en scénarisant l’information. Voici quelques exemples.

 Texte rédigé

Éviter les phrases imbriquées, la voix passive, le langage soutenu et le jargon fait partie des bonnes pratiques du langage clair.

Rythmer le texte par de nombreux sous-titres est la clé pour souligner le sens,  faciliter la compréhension et favoriser la lecture en balayage.

Mise en exergue

Certains éléments gagnent à être sortis de la rédaction pour être davantage visibles : synthèse, chiffres clés.

Les placer en exergue dans des encadrés ou autres facilite leur appropriation en signifiant visuellement leur importance.

Presse

Un communiqué de presse a pour objectif de faciliter le travail du journaliste. Il explique la réaction d’un dirigeant, d’un élu. Il présente un calendrier de travail, etc.

Écrit de manière factuelle et simple, l’information est réutilisable ce qui lui donne toutes les chances d’être reprise par le journaliste.

Un dossier de presse apporte, quant à lui, davantage d’éléments de contexte et des angles plus variés.

 Informations pratiques

Ce type d’informations a pour objectif d’être retenu facilement. Listes à puces et phrases nominales sont de rigueur. Tout en n’occultant pas un côté créatif.

Les placer dans un encadré avec un titre explicite – « comment faire pour », « en résumé », « à retenir », etc. – facilite leur utilisation.

S’inspirer du Print pour assurer la qualité du web

Historiquement, les services communication ont souvent été mis en place par des  journalistes, avec comme premiers supports les magazines.

En général, l’équipe en charge du Print est très bien outillée avec des secrétaires de rédaction, des pigistes et, surtout, bénéficie du temps long pour sa finalisation.
Tandis que côté web, l’équipe est souvent plus restreinte : elle écrit l’information, la révise, la met en ligne dans un temps très bref. Il arrive même l’ensemble de ces tâches soit réalisé par une seule personne.

  • Réutiliser les contenus est une pratique conseillée : les publics ne lisent pas tous les supports. Cela renforce la cohérence de votre communication. Parfois, des contenus peuvent être diffusés dans des temporalités différentes suivant les cibles.
  • D’où l’importance, comme expliqué plus haut, de penser dès la création du contenu Print à sa réutilisation web, notamment dans les titres, les sous-titres.
  • Il est également possible de s’appuyer sur la méthodologie du Print avec l’intervention d’un secrétariat de rédaction, suite à mise en ligne.
  • Sur le web, utiliser sans hésiter les formats longs, en veillant à les chapitrer pour inciter à une lecture profonde.

 

Pour ouvrir la réflexion, j’aimerais conclure cet article avec une citation de Daniel Luciani.

« À force de coups de pouce nous incitant librement à mobiliser notre système 1 (le système intuitif), nous ne mobilisons plus assez souvent le système 2 (le système réflexif). Nous perdons de l’autonomie et de la liberté de penser. Le document imprimé nous laisse cette possibilité d’ouvrir, de refermer, d’avoir une vue d’ensemble »[3].

Un merci chaleureux à Bruno Lafosse de l’agence Boréal, pour nos nombreux échanges sur le sujet qui m’ont permis de construire cette réflexion. 


Un article écrit par Ferréole Lespinasse

Au sein de Cyclop Éditorial, Ferréole accompagne la redirection de la communication à travers l’approche par la sobriété éditoriale : conseil, audit de site et le langage clair.

Ensemble, recentrons la communication sur l’utile et l’essentiel. Réinventons les règles.

[1] Guide de la communication responsable, ADEME, 2022

[2] Pour consulter la méthodologie complète, consulter l’article publié sur le site de l’ADEME, Pourquoi et quand communiquer ? Les 6 étapes méthodologiques à suivre

[3] Guide de la communication responsable, ADEME, op.cit.