Oublier son égo, pour une communication centrée sur son utilisateur
01 juin 2020La communication fonctionne comme un miroir, c’est-à-dire qu’elle permet de mettre en mots, de matérialiser ce qui existe et ce qui n’est pas conscient. D’où le besoin qu’ont certaines entreprises et institutions de parler d’elle pour faire savoir leurs actions. Oui, mais de l’information à la com égocentrée qui vise à se regarder le nombril et à s’auto congratuler, la frontière pourrait être vite franchie.
Preuve en est, la refonte de site web. Ce projet de communication, anodin de prime abord, peut se transformer en guerre de positionnement des services.
Comment donc parler de soi avec élégance en restant centré sur l’utilisateur ? C’est le sujet que j’explore dans cet article, côté corporate. Dans un 2e temps, Franck Confino nous donne ses bons conseils en communication publique.
1 – Un héritage égotique
Il est parfois délicat pour certains de comprendre que communiquer sur son entreprise, ce n’est pas parler de soi, mais écouter l’autre et répondre à son besoin.
Le tropisme de chaque structure, et c’est naturel, est d’être au service de soi-même. Certes. Néanmoins, l’objectif principal de la communication est de diffuser un message utile à un public.
Le hic, l’héritage de la com paillettes et haut-parleur : il impose un message sans se préoccuper de savoir si c’est ce que son auditoire a besoin d’entendre.
De l’autorité proclamée à l’autorité naturelle
Et oui, et dans bon nombre de domaines, la com reste fortement teintée d’une bonne dose d’ego.
Difficile parfois de faire comprendre à un CODIR que proclamer qu’on est le meilleur pourrait laisser supposer une faille, comme un ado qui s’agite et qui cherche désespérément à prouver qu’il existe.
Cette communication s’appuie en général sur le contrôle fort de l’apparence : il s’agit de ne laisser passer que le positif sans jamais montrer ses failles.
Une nouvelle culture de communication utilisateur
Ce n’est plus la donne aujourd’hui. Les mentalités changent, l’admiration ne se nourrit plus de performance, la transparence et la sincérité sont bienvenues.
Une nouvelle culture de la communication émerge : il ne s’agit pas de parler de soi, mais d’intéresser l’autre, de nourrir son besoin.
Il s’agit d’incarner, de prouver ses propos à travers un discours au service de son client, étayé par des cas clients, preuves de la solidité de l’entreprise.
2 – Refonte de site internet : nourrir l’ensemble des besoins
La refonte d’un site internet, je le disais en intro, est un moment durant lequel se cristallisent bon nombre d’enjeux stratégiques et de positionnement interne et externe de l’entreprise.
La nécessité de prendre soin de l’interne
« Le pire ennemi d’une bonne architecture de l’information, l’ego », Yellow Dolphins.
Combien de fois, lors d’une refonte de site internet, je me suis retrouvée face au dilemme suivant : devoir assurer la visibilité de tous les départements internes de son entreprise, souvent même au détriment de la compréhension utilisateur.
Que cache ce problème ? il y a un manque de valorisation en interne et un besoin non nourri. Ainsi, on demande à la communication externe de pallier les problèmes internes.
Or, s’il est nécessaire de lutter pour que le support de communication à venir ne devienne pas une copie d’organigramme, mais serve un objectif et un message tournés utilisateur, il est important d’entendre ce besoin.
Centré utilisateur : la notion d’usage
S’assurer de rester concentré sur son utilisateur, c’est s’assurer que le site répond à son besoin et lui permet de réaliser une action.
Il est donc important de définir les cas d’utilisation de votre site Internet : se renseigner sur une prestation, contacter le SAV ou demander un devis, être rassuré sur le poids de votre entreprise, s’abonner à une newsletter, etc.
Un site n’a pas vocation à tout dire ou tout remplacer. Soyez humble et concentrez-vous sur les informations qui répondront donc à ces cas d’utilisation. Facile!
Envisager le besoin en information par rapport au parcours utilisateur est même essentiel si l’on souhaite tendre vers une sobriété numérique.
Permettre la projection du public
- La home page doit interpeller tout d’abord l’internaute à travers une proposition de valeur très claire et orienter l’internaute vers les contenus internes du site, en se centrant sur le parcours utilisateur.
- Des cas clients doivent permettre à son client de se projeter. Plus facile alors de donner la parole aux clients qui prouvent notre valeur 😉
Se positionner dans le paysage
Pourquoi consulter la présentation de l’entreprise ?
- s’informer sur les valeurs de l’entreprise avant d’acheter.
- mieux connaître l’entreprise, si l’on souhaite postuler.
- être rassuré sur le poids d’une entreprise avant de lancer un partenariat ou un financement
Une rubrique dédiée à la présentation de l’entreprise peut ainsi
- parler de ses valeurs de manière authentique
- recenser les faits et chiffres de l’entreprise pour ainsi rassurer sur la pérennité de l’organisation.
- Ou lister toutes les actions sur un sujet donné, à titre d’antériorité
Valoriser les contributions
Épineux problème que la valorisation des partenaires, je repense à ces actus dans lesquelles le message principal est enfoui sous la liste de partenaires qu’il faut absolument citer.
Pour ceux-là, la signature en fin de l’actu est une manière de valoriser leur présence, dans certains cas, de donner du poids à l’action en question, sans noyer de suite le lecteur.
De la même manière, pour valoriser les services, signer certaines actions/actus/propos : « Une action menée par le département XX de l’entreprise » est un signe de reconnaissance.
Sinon, pour valoriser les partenaires des structures, pourquoi ne pas davantage, au lieu de la ribambelle de logos, matérialiser l’écosystème de manière globale (et graphique) afin de montrer l’interdépendance de tous les acteurs.
3 – Et côté communication publique, quelle expérience utilisateur ?
J’anime des formations en stratégie de contenu pour CAP COM, le réseau de la com publique, depuis quelques années maintenant. Souvent des communicants me font part de la pression des élus pour parler d’eux et de leurs actions.
J’ai interrogé Franck Confino, spécialiste en communication publique pour partager ses réflexions, côté site de collectivité.
Peux-tu nous éclairer, en guise d’intro, sur les enjeux de la communication publique ?
Franck Confino
Selon moi, les principaux enjeux de la communication publique sont le service aux usagers, l’information aux citoyens, la pédagogie sur l’action publique et la promotion du territoire. Il s’agit de co-construire avec et pour les habitants. On est loin de « la voix de son maître », telle qu’on la percevait à ses débuts. Je la distingue clairement de la communication politique, dont les supports de communication ont pour vocation de servir les élus. Et de la communication d’entreprise, car nous restons dans un système non marchand, au service de l’intérêt général.
L’enjeu d’internet : dématérialiser
Dans le service public, si le numérique rattrape aujourd’hui son retard, il reste néanmoins un enjeu très présent. Beaucoup en ont compris l’impérieuse nécessité avec le covid19 : comment réussir sa transformation pour mieux traiter l’information en temps réel et dématérialiser les services ?
Souvent, les outils ont été empilés de manière empirique, sans forcément de stratégie, de sens, de méthodes de travail claires, ni d’indicateurs de performance. J’aide les organisations à relever ce défi, avec des stratégies claires, une organisation adaptée et des outils performants.
et centraliser les services
Une attente forte concerne les sites internet, notamment lors des refontes. Dès la réflexion jusqu’à la rédaction du cahier des charges, il faut pouvoir optimiser son écosystème éditorial et décrire clairement les services, que la suite offrira à l’usager, sans avoir à se déplacer de son domicile.
L’un des objectifs est souvent le « guichet unique » permettant d’unifier et centraliser tout un tas de services, d’informations et de transactions de la cantine à l’action sociale, en passant par le sport des ados.
La simple expression (et traduction) des besoins demande donc une participation de tous les services concernés, mais aussi des ateliers avec les habitants (UX) et des temps de réflexions longs, pendant lesquels il vaut mieux être accompagnés.
Mener une refonte de site internet : faire participer les habitants
Avec le numérique, la communication publique devient l’affaire de tous, et pas seulement du service dudit nom.
Un site internet ne peut plus se faire « sur un coin de table » entre un directeur de com et un élu. Ce n’est pas une plaquette. C’est un dossier qui concerne l’ensemble des agents, qui en sont à la fois contributeurs et ambassadeurs, donc qui ne peut s’envisager qu’en mode projet.
Pour qu’un site soit légitime, la démarche doit ainsi être portée par la com, la DSI et la direction générale des services.
La stratégie comme le cahier des charges sont ainsi la synthèse d’une expression collective des besoins, ce qui permet d’arriver à une première étape du projet à présenter aux habitants. Cette « confrontation » permet ensuite de le consolider.
Passer d’une vision collectivité à une vision tournée utilisateur
Prenons l’exemple de la ville de Rennes (Lire à ce sujet l’excellent article de Muriel Gani Stratégie de contenus à Rennes : bien articuler stock et flux selon les canaux d’information) qui a mené en 2019, la refonte de son écosystème numérique.
Il y a eu d’abord de longs mois de réflexion en interne, de recueil des besoins et de brainstormings, puis près de 28 ateliers menés : la réflexion a été collective avec un nombre important d’ateliers.
Plus de 2 ans de réflexion qui ont permis de recueillir les questions récurrentes des usagers et d’identifier les manques en information. Également de faire la part des choses entre le service en son ensemble et ce qui concerne exclusivement le public.
Le pari radical de Rennes : un site orienté services
La Métropole et Ville de Rennes, ou d’autres collectivités récemment, ont fait un choix radical avec un site 100% serviciel, très facile à lire et comprendre, sans aucune promotion des élus, ni langage technocratique.
L’actualité est traitée ailleurs sur d’autres supports. Priorité est donnée à la pédagogie de l’action publique et aux renseignements pratiques.
Les résultats sont là :
- Une audience multipliée par 4 en 18 mois pour atteindre 350 000 visiteurs uniques chaque mois !
- Entre 15 à 20 000 personnes en cumulé pour chaque actualité (avant une actu était lue entre 30 et 50 fois)
Dépolitiser la communication publique
La communication publique reste, de fait, au service de l’action publique donc du travail des élus.
Mais jamais lors d’un seul atelier UX, je n’ai vu un seul habitant souhaiter voir plus d’informations relatives au maire dans le site. En revanche on retrouve souvent la demande de simplifier les services, d’offrir un visage plus humain de l’administration, ou encore de faciliter l’accès à l’information. Il s’agit donc d’en finir avec les photos du maire coupant un ruban, sauf si l’on veut faire fuir le public.
Et si des personnes doivent être mises en avant, il s’agit bien des agents de terrains. Pour montrer les invisibles et indispensables de la république, ceux qui sont sur le terrain et qui balayent les rues, qui déneigent, qui réparent les câbles.
Attention ; il ne s’agit pas d’effacer la parole politique, mais au contraire qu’elle soit assumée par les élus, sur leurs propres canaux (lettres du maire, sites, blogs, ou réseaux sociaux)
Visionnaire, Rodolphe Pesce, maire de Valence (1977-1995).- écrivait aux débuts d’internet : « Permettre au citoyen d’accompagner les décisions, voire de les contester, implique de lui donner les moyens d’exercer ces droits, ce qui nécessite une communication réellement interactive en partie à inventer. ».
Cela reste aujourd’hui l’enjeu dans beaucoup de collectivités locales !
Cela signifie aussi apporter le bon message à chaque cible, au bon moment, en proposant une « expérience utilisateur », qui permette à tous les citoyens de trouver une information ciblée et qualifiée et, au-delà, des services qu’ils étaient venus chercher.
Merci Franck !
Un article écrit par Ferréole Lespinasse
Au sein de Cyclop Éditorial, Ferréole accompagne la redirection de la communication à travers l’approche par la sobriété éditoriale : conseil, audit de site, rédaction et formations, conférences et sensibilisation en sobriété éditoriale, rédaction web, langage clair.