Écrire pour le web, nouvelle édition de l’ouvrage de Muriel Gani

01 juin 2022
Temps de lecture : 11 minutes

Écrire pour le Web, écrit par Muriel Gani, vient d’être édité pour la seconde fois. Il a dépassé les 5000 ventes. Et effectivement, c’est un ouvrage remarquable parmi la pléthore d’ouvrages sur la rédaction web.
C’est une ressource que je conseille d’ailleurs lors de mes formations : pragmatique, concret et complet, il est conçu pour répondre à des questions précises. L’ouvrage permet d’explorer le sujet tout en ouvrant de nombreuses pistes : 59 outils, 17 exercices + les grands principes d’écriture illustrés par de nombreux conseils opérationnels.

Et surtout, c’est une belle mise en abyme. Le livre s’applique à lui-même les bonnes pratiques qu’il professe : concision, structure et simplicité sont au rendez-vous.
Pour l’occasion, nous prenons le temps avec Muriel de mettre à jour nos échanges de 2018 : l’occasion de constater l’évolution du métier.

Pour mieux te connaître

écrire pour le web Muriel GaniPeux-tu résumer ce qui te tient à cœur dans ton métier en 3#

  • #découvertes : je suis curieuse des univers de mes clients, j’adore découvrir de nouveaux métiers, c’est-à-dire de nouveaux enjeux, des nouvelles contraintes. Tout cela me nourrit !
  • #empathie : l’empathie est liée au lecteur et à la pédagogie, elle est au cœur de mon savoir-faire : expliquer, rendre accessible et transmettre. Cela implique bien sûr de comprendre !
  • #écriture : mon domaine d’expression privilégié, sur lequel je me recentre aujourd’hui. Il s’agit de choisir les mots, construire les idées, puis les phrases, trouver l’articulation la plus efficace.

« Simplifier autant que faire se peut, mais pas plus ».

Tu accompagnes des professionnels en environnement complexe, peux-tu spécifier ?

Muriel :
Quand j’évoque les environnements complexes, ce sont les sujets ardus, spécifiques, dans l’univers B2B par exemple ; je suis alors véritablement dans mon monde.
Il s’agit de trouver les idées fortes derrière des sujets techniques, de les simplifier au maximum sans aller trop loin.
Comme le disait Einstein : « Simplifier autant que faire se peut, mais pas plus ».

S’adapter à son récepteur pour rapprocher des publics

Avec de tels accompagnements, nous nous situons dans la transmission, car il s’agit de se plonger dans un univers pour faire le relais avec des publics moins techniques.
Par exemple, le Collège de France met en ligne des milliers de podcasts de cours de haut niveau. Mon apport est de les aider à élargir leur audience.
Pour Pôle Emploi que j’accompagne, l’objectif est d’aider les utilisateurs à se repérer rapidement dans une myriade d’infos complexes avec des contraintes réglementaires fortes. Comment organiser l’info, choisir les bons formats, les bons relais, les bonnes articulations pour être plus efficaces ?
J‘aide mes clients à prendre en compte le récepteur, à scénariser les contenus qu’ils diffusent : sous quel format, à quel moment diffuser et comment articuler cela dans un scénario global.
La valeur ajoutée vient de la rencontre avec quelqu’un qui n’a pas le même niveau d’expertise. Cette co construction amène les clients à adopter une autre posture.

Écrire pour le web : les conseils pour les environnements complexes ?

  1. Connaissance fine des publics publics et de leurs attentes : qui ils sont, s’intéresser à ce qu’ils viennent chercher, qu’est-ce qu’ils ont en tête en plongeant dans tel livre blanc, dans tel article.
    Bien sûr, c’est lié au contexte d’utilisation et au moment où ils vont avoir besoin de tels types d’infos.
    Cela suppose de prendre en compte leur maturité et leur niveau de connaissances par rapport au sujet. Ces différents éléments vont induire l’angle, le vocabulaire – quel jargon s’autoriser ? -, le format, etc.
  2. Concret : se rattacher aux bénéfices, donner des chiffres, des proportions, des exemples, des comparaisons, des images.
    Communiquer de manière imagée fonctionne toujours mieux : ‘l’autofocus de l’appareil photo agit comme l’œil lorsqu’il fait la mise au point.’
  3. Forme : plus un sujet est complexe, plus la syntaxe doit être simple.
    Il faut fluidifier au maximum la forme puisqu’il y a déjà une charge mentale forte liée à la complexité du sujet, au vocabulaire pointu.
    Comment structurer et aider à faire ressortir ce qui va compter pour les lecteurs ?

Ton livre écrire pour le Web

Quels sont les ingrédients primordiaux pour réussir ses projets d’écriture web ?

Le côté pragmatique, toujours penser pourquoi, pour qui et dans quel cadre on écrit.

  1. Les objectifs opérationnels
    En B2B, par exemple, l’objectif final sera souvent commercial. Mais on produit aussi des contenus pour contribuer à modifier des comportements ou encore pour outiller des professionnels de façon à les rendre plus performants dans leur job.
  2. Les lecteurs et leurs attentes
    Trouvez la zone de convergence entre nos buts – commerciaux, d’image, d’efficacité, de pédagogie… – et les attentes des lecteurs.
    Idéalement, c’est de cette rencontre que tout découle : format, angle, organisation des idées, ton, etc.
  3. L’inventaire des contraintes
    Il s’agit également de prendre en compte en amont toutes les contraintes au sens large, que ce soit en termes de ligne éditoriale que d’un point de vue plus pratique : les templates, le CMS, le calibrage… Mais aussi les délais, car c’est important de se garder du temps pour l’habillage, qui, à mes yeux, est primordial.

Quels sont les points les plus importants au niveau de l’écriture ?

  • L’essentiel d’abord : à tous les niveaux – structure, page, article… -, mais aussi au sein de chaque micro contenu (titre, inter, légendes, exergues…). Tout contenu fonctionnera mieux si on attaque par le plus important.
  • Des phrases courtes : c’est ce qui fait défaut le plus souvent. C’est le plus facile à améliorer. Mes clients arrivent assez à le mettre en pratique et à se l’approprier très vite.
  • Le côté épuré et condensé : il s’agit de supprimer ce qui est superflu et remplir au maximum en termes d’idées. Ce n’est pas une question de longueur, mais de rapport entre la quantité d’infos et leur pertinence. Si les contenus sont riches, ils peuvent être longs.

Quels apports de l’édition 2022 par rapport à celle de 2018 ?

Un nouveau chapitre sur la sobriété éditoriale

La sobriété éditoriale rejoint l’approche que nous avons depuis longtemps en B2B : penser aux objectifs finaux avant le déploiement des moyens.
C’est la clé pour éviter de foncer dans une course effrénée à la production de contenus, sans considérer la manière dont le lecteur reçoit l’information.
J’ai toujours adopté cette exigence de qualité à laquelle la sobriété éditoriale invite, pour éviter l’infobésité, bien avant d’avoir conscience des enjeux environnementaux induits par la communication numérique.

Les points d’attention :

  • le côté durable des contenus : c’est un capital éditorial constitué d’articles de fond, de maillage, de liens intelligents entre les différents contenus. La crédibilité et l’autorité s’acquièrent sur le long terme.
  • la vision globale : il est enrichissant d’évaluer de manière fine le comportement utilisateur et d’avoir une vision qualitative. Par exemple, si le nombre de pages vues est important, cela peut signifier que les personnes peinent à trouver l’information. Ou encore, le marketing mesure précisément le taux de conversion, certes, mais uniquement par rapport au contenu précédent, en oubliant l’historique. Si une personne lit un livre blanc et convertit 6 mois après, on a parfois du mal à le mesurer.

Un nouveau chapitre sur le langage clair

Bien que le langage clair ne soit pas un sujet nouveau, saluons la prise de conscience récente dont il bénéficie.
Avec la dématérialisation et à la transformation digitale, les enjeux évoluent : il s’agit de permettre la compréhension de l’information par tous, y compris les personnes en situation d’illectronisme et/ou mal à l’aise avec l’écrit.
Hiérarchisation de l’information, concision, syntaxe simple… les bonnes pratiques sont souvent identiques à celles qui répondent aux problématiques de lecture en mobilité et facilitent la lecture à l’écran.
Beaucoup de similitudes, donc, entre l’écriture web et le langage clair, même si ce dernier va plus loin dans son exigence de… clarté, au détriment, parfois, de la variété.

Qualité et accessibilité : 2 chapitres distincts

Distinguer les 2 disciplines permet de mieux refléter leur importance.
J’ai également intégré une introduction au FALC (Facile À Lire et à Comprendre), dans le chapitre sur l’accessibilité. D’après moi, les 2 notions sont intimement liées.
Par rapport au langage clair, le FALC se situe un cran au-dessus dans l’exigence de simplicité avec des contenus certes très répétitifs, mais dépourvus d’ambiguïté.

Un nouveau chapitre sur l’UX-Writing

Écrire des contenus pour les publics, n’est-ce pas ce que l’on a toujours fait ?
Oui… et non. Avec l’UX, l’implication de l’utilisateur devient incontournable : en amont via des interviews et des séances de tri par carte pour concevoir l’arborescence et au court de la conception pour tester les interfaces.
Les wireframes (ou maquettes fonctionnelles) évitent la focalisation sur le graphisme au détriment du contenu.
Concernant les micro-contenus (boutons, formulaires, messages d’erreur…) qui fluidifient l’utilisation des services en ligne, il est indispensable qu’ils soient alignés avec les contenus rédactionnels, informatifs ou marketing.

Cela invite à une coordination entre tous les départements produisant des contenus pour bénéficier d’une approche transversale.
Elle rejoint celle que propose Marie Girard dans Le Design du sens : un ton harmonisé, le même vocabulaire métier entre contenus éditoriaux, microcopie du produit ou service en ligne, contenus du support technique, etc.

L’approche UX intègre le travail en mode collaboratif et propose des bibliothèques de modèles, ce qui rationalise le travail et rend l’ensemble cohérent !

Actualisation des ressources, des outils, des exemples…

Outre les conseils pratiques concernant les techniques rédactionnelles, je tiens à ce que le livre apporte un premier niveau d’information sur l’environnement et les domaines connexes.

J’ai ainsi partagé des ressources intéressantes tout au long de l’ouvrage, et également à la fin, au sein d’une rubrique Ressources enrichie présentant une sélection de blogs, sites, newsletters, podcasts, vidéos et livres.
J’ai commenté les choix pour que chacun puisse s’en saisir en connaissance de cause.
Destinée à faire gagner du temps aux lecteurs, cette sélection se fonde sur la facilité d’accès, le caractère récent et durable et l’utilité de ces ressources.

Par rapport à l’édition de 2018, j’ai bien entendu aussi actualisé les exemples et intégré des outils de plus en plus incontournables qui enrichissent la pratique. Par exemple, l’aspect collaboratif apporté par le traitement de texte en ligne.

J’ai aussi consacré un chapitre à un phénomène très répandu : les citations sur les réseaux sociaux comportant un même format de mise en page : l’écrimage.
En revanche, j’ai supprimé le chapitre sur les chatbots qui n’ont pour l’instant pas tenu leur promesse d’un point de vue éditorial, en termes de contenus conversationnels.

Écrire pour le web : et demain ?

Le texte s’en sort bien finalement : avec les communications asynchrones, on n’a jamais autant écrit 😉
L’hyper présence des images, des stories, des vidéos, des podcasts… le concurrence tout en lui laissant une place.

Un peu comme la peinture qu’on a crue morte quand la photo est arrivée. Mais pas du tout ! La peinture a abandonné ce que la photo faisait mieux qu’elle pour se recentrer sur ses points forts : expression, créativité, imaginaire… ce qui a donné lieu à l’impressionnisme, au cubisme, au surréalisme, etc.

De la même façon, le spectre de l’écrit se restreint, mais se précise et se concentre sur ses points forts. Pour l’analyse, le fond, les nuances, le texte garde une place de choix, du moins dans les univers complexes dans lesquels j’évolue, à l’abri du sensationnalisme et de la course au clic.
Le monde est complexe, la réalité est complexe, la psychologie ou l’économie sont complexes… Le moyen le plus efficace pour rendre compte de cette complexité reste l’écrit.

Vous l’avez compris, je vous recommande vivement son ouvrage : son livre Écrire pour le web est disponible aux éditions Dunod.

Pour en découvrir plus, Muriel et moi-même échangeons dans un podcast animé par Muriel Van der Meulen : « Pouvoir des mots et effet waouh »


Un article écrit par Ferréole Lespinasse

Au sein de Cyclop Éditorial, Ferréole accompagne la redirection de la communication à travers l’approche par la sobriété éditoriale : conseil, audit de site et le langage clair.

Ensemble, recentrons la communication sur l’utile et l’essentiel. Réinventons les règles.