Le design du sens : entretien avec Marie Girard
01 mars 2022Dans l’organisation de l’entreprise, la communication est parfois reléguée à un second plan. Qui plus est le contenu.
Le livre de Marie Girard « le design du sens : créer des contenus pour réussir l’expérience utilisateur (UX) » souligne la place du contenu comme partie intégrante de l’expérience utilisateur et du parcours client.
Il démontre que le contenu est un révélateur de la stratégie de l’entreprise.
Ce livre propose une vision transversale, pointue et didactique de la création de contenus. Portant sur la communication technique, la réflexion va bien au-delà et sert le contenu en son ensemble. Un livre que je conseille à toute personne qui s’intéresse au contenu.
Plongez dans cet entretien avec Marie, suivi de quelques notes de lecture
1 – Bonjour Marie Girard, merci de cet entretien.
Tout d’abord, peux-tu revenir sur le titre du livre ‘Le design du sens‘?
« Dans nos métiers relatifs aux contenus, le grand dilemme est de choisir le bon mot pour décrire notre activité. Il ne s’agit pas que de rédaction ou d’éditorial.
Il est difficile de décrire précisément ce que l’on produit.
Bien sûr, les contenus en sont une forme matérielle.
Mais, comment exprimer ce qu’ils génèrent ?
Ils sont les composants d’une expérience.
Le sens
Le sens a une signification plurielle, il est à la fois :
1 – l’intention, ce que l’on veut communiquer
2 – ce que l’on comprend du message
3 – la perception visuelle, auditive, olfactive, gustative, tactile et au-delà subtile et proprioceptive.
4 – le jugement.
Pour résumer, le sens recouvre tout ce qui est impliqué dans la création de contenu.
Le design
Le mot design quant à lui évoque à la fois
• la conception
• et le dessein (l’intention stratégique)
Et finalement, la réflexion autour de ces notions permet de donner l’axe du livre : comment générer, à partir d’une intention, la bonne compréhension ?
Mon souhait à travers Le design du sens est de proposer un cadre de référence sur la communication technique en français – qui n’existe pas jusqu’à présent-.
L’objectif est
• d’apporter une base aux étudiants,
• de partager une vision globale de la création de contenu,
• ainsi que de créer des passerelles envers des secteurs qui rencontrent des enjeux similaires : marketing, support technique, documentation. »
2 – J’aime bien cette expression « Passeurs de sens » quand tu parles des communicants et créateurs de contenus
Marie
« Effectivement, le mot communicant peut être perçu de manière restrictive : relations publiques, influence. C’est-à-dire d’un point de vue émetteur de l’information
On n’envisage pas forcément une communication qui accompagne la compréhension.
Le passeur de sens transmet une information compréhensible et utile. Son rôle est souvent positionné en amont, comme un médiateur : il aide l’émetteur à s’exprimer et à formaliser sa pensée. »
3 – Tu consacres tout un chapitre à la qualité des contenus.
J’adhère totalement à ce que tu précises sur la confiance que peut apporter un contenu, notamment au travers de l’objectivité et de la neutralité du contenu.
J’ai l’impression qu’on n’est pas loin de ce que j’appelle un contenu responsable qui aide l’internaute à s’élever et à devenir éclairé.
Marie
Effectivement, le contenu accompagne l’autre dans la compréhension, sans l’influencer ; dans la prise de décisions sans interférer.
C’est toute la spécificité de la communication technique :
Elle guide les utilisateurs à effectuer des actions, qui, potentiellement, comportent des risques. Il est primordial de prévenir les erreurs, et si elles arrivent d’indiquer clairement les solutions possibles ou les possibilités de contourner un problème qui pourrait survenir.
4 – En conclusion, tu évoques la responsabilité éthique des entreprises face au sens.
Tu cites 3 enjeux des créateurs de contenu : résilience, liberté et inclusion, peux-tu nous en dire plus ?
Marie
« C’est un appel à une vision holistique dans la création de contenus.
En effet, en observant comment ce contenu est créé dans l’entreprise, on en apprend beaucoup sur l’organisation de l’entreprise, sa stratégie, voire ses biais.
Les contenus soutiennent la formalisation de la stratégie de l’entreprise autant qu’ils peuvent l’inviter à se modifier.
Par exemple, envisager la création de contenus sous l’angle de la sobriété éditoriale invite à raisonner la production de contenus pour veiller à l’empreinte écologique de l’entreprise, à vérifier l’intérêt que revêt ce contenu pour les usagers.
De la même manière, si le contenu permet aux personnes de prendre des décisions, comment éviter une conception manipulatoire, ou se garder de suggestions des algorithmes qui pourraient poser des problèmes éthiques ?
Sur la diversité, notons également que l’entreprise – à son insu – peut générer des messages excluants, sans prendre en compte tous les interlocuteurs dans leur diversité. Par exemple, en utilisant un vocabulaire qui ne considère uniquement qu’une frange de la population comme cible.
Ainsi, le contenu reflète une stratégie volontaire ou involontaire de l’entreprise. Il est révélateur de son éthique.
Un pari que porte ce livre : en modifiant la façon de travailler sur les contenus, on peut influencer la stratégie d’entreprise.
Il m’apparaît important d’être garant, en tant que producteur de contenus, de veiller à la liberté de choix de l’internaute, d’être transparent sur l’usage des données, également de ne pas l’abreuver de contenu de façon addictive pour lui enlever la maîtrise de son temps d’attention.
Nous avons un enjeu climatique entre les mains.
Il est temps de se poser la question d’économiser les contenus. »
Merci Marie pour ce partage sur ton ouvrage
Voici quelques points de l’ouvrage le Design du sens qui ont marqué mon attention, par rapport à leur précision et leur simplicité :
Les 3 problèmes principaux de l’information
• trop de contenu : difficulté à identifier ce qui est important
• pas le bon contenu : confusion sur l’intention de l’auteur ou l’action attendue
• pas assez de contenu : impossibilité à saisir pleinement la situation
Les critères d’un contenu de qualité :
Figure – Principes de qualité d’un contenu, tiré de l’ouvrage Le Design du sens
Si le contenu prend en compte les critères d’accessibilité web, le contenu est perceptible, utilisable, compréhensible et robuste (Schubert et Heindrich 2017).
Un contenu robuste peut ‘être interprété de manière fiable par une large variété d’agents utilisateurs, y compris les technologies d’assistance.’
« Pour créer un contenu de qualité servant une communication claire, il est nécessaire d’explorer les ressorts de la compréhension du contenu et de se familiariser avec les principes de perception, interprétation et mémorisation de l’information. »
Les principes de compréhension reposent sur la confiance, la sélection, la compréhension et l’action
• confiance : la neutralité du contenu et sa conformité aux standards permettent de donner confiance au client.
• sélection : la structure et la cohérence du contenu influencent la rapidité de sélection.
• compréhension : la concision, la précision et la logique du contenu facilitent sa compréhension.
• action : grâce à un contenu positif et opérationnel, le client se retrouve guidé dans ces actions.
Sur la notion de confiance, les biais sont décryptés, ce qui est une bonne indication pour éviter de les générer.
La nécessité d’un langage commun
Plus loin, l’ouvrage revient sur la notion de chaîne éditoriale qui implique d’établir un langage commun : « chacun [chaque partie prenante] doit pouvoir envisager ses mots comme une ‘vue’ sur un modèle commun qu’on cherchera à établir ensemble. »
Interroger le sens des mots
Une jolie formulation pour décrire l’intérêt du retour d’expériences : « amener la compétence à la conscience pour savoir la verbaliser et la partager. »
Un article écrit par Ferréole Lespinasse
Au sein de Cyclop Éditorial, Ferréole accompagne la redirection de la communication à travers l’approche par la sobriété éditoriale : conseil, audit de site et le langage clair.